Comment notre enfance renaît-elle dans notre mémoire ? Souvent, ce sont les lieux, le goût laissé par un repas ou encore la sensation particulière de la lumière qui conservent la part la plus précieuse de notre vie : notre enfance.
Je suis née à Tbilissi, et mes premiers souvenirs d’hiver sont indissociables de l’odeur si singulière du soufre chaud s’échappant des dômes de pierre d’Abanotubani, là où vivait ma grand-mère. Enfant, je passais souvent devant ces dômes, la main serrée dans celle de mon aïeule. Mon imagination d’enfant s’animait tandis qu’elle me racontait comment ces lieux faisaient partie intégrante de la vie quotidienne depuis des siècles.
On ne venait pas seulement aux bains pour se laver : on s’y retrouvait pour discuter, soigner le corps, préserver les traditions et, parfois même, négocier des affaires. Les bains étaient avant tout un lieu de sociabilité à part entière, un refuge où le temps semblait suspendre son vol.
Le secret des femmes et l’esprit de la cité
Dans la vapeur chaude et feutrée du côté féminin, les matchankali — ces entremetteuses respectées — observaient attentivement les jeunes filles. Sous couvert de conversations anodines, elles jaugeaient les gestes et la grâce, à la recherche de celle qui saurait devenir une épouse digne d’une famille influente. C’était un monde de murmures et de rituels cachés.
Au fil du temps, les bains sont également devenus un point de rencontre bohème. Artistes, écrivains, musiciens et voyageurs s’y croisaient. On pouvait alors entendre plusieurs langues se mêler sous les dômes, tandis que la vapeur effaçait les différences sociales. Les bains incarnaient un lieu profondément égalitaire, fidèle à l’esprit ouvert et cosmopolite de Tbilissi.
Même dans les récits de voyageurs célèbres, les bains méritaient toujours une attention particulière. Pour les voyageurs célèbres comme Marco Polo, Alexandre DUMAS, Pushkine, …les bains étaient une étape mystique. Ils s’émerveillaient de cette symbiose entre l’architecture arabe et les ornements persans, ces mosaïques bleues scintillant sous le soleil, qui marquent la conscience pour toujours.
Une légende fondatrice de Tbilissi
D’ailleurs, Tbilissi doit son nom au mot géorgien tbili, qui signifie « chaud ». Ainsi, la légende fondatrice du Ve siècle raconte que le roi Vakhtang Ier Gorgassali découvrit ces sources chaudes lors d’une chasse dans la région. Le Roi chassait avec son faucon dans la région de l’actuelle vieille ville. Soudain, son faucon s’élança pour attraper un faisan. Les deux oiseaux tombèrent ensemble dans une source d’eau chaude à proximité. Le roi, frappé par la vapeur qui s’échappait de la terre et par les vertus curatives évidentes de ces sources sulfureuses, fut émerveillé par ce don de la nature. Il comprit immédiatement l’avantage stratégique et thermique de cet endroit et décida d’y établir sa capitale.
Le réveil du corps : Le rituel du Kisa
C’est exactement ici que l’expérience touche à ce que nous avons de plus instinctif. Imaginez-vous quitter le bourdonnement incessant de la ruche humaine pour entrer dans une chaleur et un calme protecteur, presque maternels. C’est le cerveau reptilien qui s’apaise : le sentiment de sécurité et de confort absolu.
Le rituel commence par une immersion lente dans l’eau saturée de soufre. Peu à peu, la chaleur enveloppe le corps, détend les muscles un à un et ouvre les pores. Puis vient le moment du kisa, le gant de gommage traditionnel. Manié par un maître-badiste dont les gestes sont fermes et rythmés, il élimine les cellules mortes. Bien que parfois vigoureux, ce geste n’est jamais brutal : c’est une purification.
On rince le corps à l’eau chaude, puis parfois à l’eau fraîche pour réveiller les sens, provoquant un frisson de vie pur. De nombreux voyageurs découvrent avec étonnement cette exfoliation profonde, la jugeant bien plus efficace que n’importe quel soin moderne.

Une immersion que nous protégeons pour vous
Pour un voyageur étranger, l’expérience est à la fois sensorielle et culturelle. C’est une atmosphère simple, authentique, loin du luxe standardisé des palaces internationaux. Le confort y est réel, mais c’est l’âme du lieu qui compte.
En sortant, le corps est apaisé et l’esprit étonnamment clair. On ressent cette douce fatigue, ce regain d’énergie que seule une reconnexion profonde avec soi-même peut offrir. C’est précisément cette dimension émotionnelle qui explique pourquoi l’histoire des bains sulfureux continue de fasciner.
Parce que nous aimons passionnément notre terre, nous avons choisi d’intégrer les bains comme une activité incontournable de nos programmes. Cependant, nous savons qu’une expertise locale fait toute la différence. Un guide géorgien de Wonderful Georgia Travel ne se contente pas de vous ouvrir une porte ; il vous initie aux usages, sélectionne pour vous les salles historiques les plus secrètes et vous garantit une immersion fluide, loin des parcours balisés.
Entrer dans les bains avec nous, ce n’est pas seulement prendre un bain, c’est entrer dans l’histoire de Tbilissi, et peut-être, un peu, dans votre propre histoire.
Questions pratiques :
Vous pouvez garder un maillot de bain
Le rituel du gommage (Kisa) est effectué dans le respect le plus strict de la pudeur : le personnel est exclusivement féminin pour les femmes et masculin pour les hommes
La séance de gommage se déroule en salle privée et dure 10-12 minutes par personne
Non, il ne reste pas sur la peau après le bain. Vous prenez la douche avant de sortir
Il faut retirer les bijoux en argent avant d’entrer dans les bains. Contrairement à l’argent, le soufre n’est pas “dangereux” pour les cheveux, mais il change leur texture : Le soufre est excellent pour le cuir chevelu. Il aide à lutter contre les pellicules et l’excès de sébum, mais L’eau minérale peut rendre les cheveux un peu secs, rêches ou difficiles à démêler après le bain. Garder dans l’esprit que l’odeur de l’eau sulfurisé peut rester imprégnée dans la chevelure pendant un ou deux lavages. Si vous avez une coloration récente ou très claire (blond polaire), le soufre peut parfois légèrement altérer le reflet de la couleur.
Il existe les chambres privées pour les couples
Veuillez noter que le nécessaire de bain (serviettes, draps, chaussons, gant de gommage, savon et shampoing) n’est pas compris dans le tarif de location. Vous pourrez vous les procurer à l’accueil pour 5 à 10 GEL, à moins que vous ne préfériez utiliser votre propre équipement

